Bibia Pavard, lauréate junior de l’Institut universitaire de France
L’Institut universitaire de France (IUF) est un organisme public ayant pour mission de soutenir la recherche publique française. Il accompagne activement le développement et le déploiement de la recherche scientifique en France, en sélectionnant chaque année un certain nombre de lauréats dans deux catégories, junior et senior, en fonction de l’ancienneté, de la carrière et du projet scientifique du candidat. Les enseignants-chercheurs nommés à l’IUF continuent à exercer leur activité dans leur établissement d'appartenance, mais ils sont déchargés des deux tiers de leur service d'enseignement, afin de pouvoir consacrer un temps de travail significatif au projet de recherche pour lequel ils ont été sélectionnés.
Bibia PAVARD, chercheuse au Centre d'analyse et de recherche interdisciplinaires sur les médias (Carism), fait donc partie des bénéficiaires de ce dispositif pluriannuel de l’IUF afin de mener à bien un projet de recherche novateur et original. Celui-ci s’intéresse à la manière dont les changements politiques et culturels adviennent dans les sociétés contemporaines, et en particulier, au rôle des individus dans les changements globaux. Pour ce faire, et dans la continuité de ses travaux de recherche, elle utilisera comme point d’entrée les modifications fondamentales intervenues, dans les années 1970-1980, dans le champ des techniques médicales utilisées lors des interruptions de grossesses, qui ont constitué un jalon important des évolutions traduites dans la loi et dans les pratiques médicales intervenues dans la foulée. Les discours contemporains utilisent la notion de « révolution », terme que l’on peut prendre dans son sens politique ou technique, qui constitue le point de départ de sa réflexion. D’un côté, l’on constate l’émergence d’un nouveau dispositif médical qui circule de l’Europe de l’Est aux États-Unis puis à l’Europe occidentale et l’Asie et qui constitue une avancée en termes de suivi et de médicalisation des patientes. De l’autre, derrière cette circulation, deux projets politiques opposés, l’un féministe et l’autre socio-économique de contrôle de la population mondiale, convergent pour soutenir cette nouvelle technique médicale. Il s’agit là d’un paradoxe intéressant : tout changement social est le résultat de configurations complexes et de projets divergents qui peuvent porter des outils similaires.
Interrogée sur les conseils qu’elle pourrait donner à des collègues intéressés par une candidature à l’IUF, Bibia PAVARD souligne que son projet est le fruit d’une longue réflexion, qui lui a permis d’échanger avec de nombreux collègues. C’est cette émulation et cette collectivité qui lui ont permis de faire mûrir ce projet de recherche et de formaliser toute une série d’idées sur ce sujet. Répondre à un appel à projet, quel qu’il soit, nécessite en effet de ne pas sous-estimer ses dimensions techniques et pragmatiques de calendrier, de projets, de faisabilité. La question de la traduction en anglais de la candidature nécessite également une anticipation.
L’un des aspects ardus du montage du dossier a résidé dans l’un des items obligatoires : celui qui interroge sur l’ouverture possible vers un projet d’innovation pédagogique et de diffusion orientée vers la société. En effet, la problématique de la valorisation de la recherche et de son impact sur la société, qui s’inscrit dans les préoccupations des chercheurs, est ici reconnue comme un dispositif à part entière. Bibia PAVARD a ainsi proposé un projet original de production d’un opéra centré sur Harvey Karman, figure clef de son projet de recherche. Dans la continuité de son projet tourné vers le monde anglo-saxon, elle collaborera avec un jeune compositeur new-yorkais, Simon HANES, afin de produire une œuvre originale au croisement de la recherche historique et artistique. La création de cet opéra permettra à Bibia PAVARD de se confronter à la question de l’exploration de la mise en fiction d’une histoire qui est en elle-même déjà très romanesque, mais aussi, plus généralement, à la question épistémologique de savoir ce que la fiction peut apporter à la compréhension du temps historique et à la diffusion des connaissances académiques.