Comment les évolutions médiatiques contemporaines contribuent-elles à transformer les pratiques politiques ? Historiquement, citoyen.ne.s et société civile organisée ont toujours cherché à utiliser les médias de masse comme autant d’outils au service de leurs mobilisations. Chaque moment contestataire s’est accompagné d’une prolifique presse politique, que ce soit en 1848, sous la Commune de Paris ou dans les “années 1968”. À la fois caisses de résonance leur permettant de sensibiliser autour des causes qu’ils et elles défendent et moyens de pression sur les pouvoirs publics, la presse, la radio, le cinéma ou la vidéo ont ensuite intégré les répertoires d’action des différents mouvements sociaux. À partir de la fin des années 1990, la démocratisation d’internet a permis à ces mouvements de toucher directement un public en produisant leurs propres médias en ligne. Suivant le mot d’ordre des médiactivistes « Don’t hate the media, become the media », ils ont poursuivi l’usage des médias alternatifs, minoritaires ou communautaires, afin de donner une voix aux « sans voix » de l’espace médiatique de masse. Ces mouvements, historiquement majoritairement de gauche, se sont droitisés au cours des années 2000 et 2010, les opportunités médiatiques offertes par internet permettant également à une « fachosphère » de prospérer en ligne.
Plus globalement, les médias sont indissociables des formes que prend le débat public à différentes époques. La domination des réseaux sociaux sur les formes de communication publique à partir de la fin des années 2000 a ainsi donné naissance à un espace public plus ouvert, moins contrôlé, plus inclusif au regard des différents registres d’expression mobilisés. Mais elle a également accompagné une dynamique de brutalisation du débat, la généralisation de nouvelles pratiques de désinformation et la consécration du cyberharcèlement comme forme de pratique militante. Le design des grandes plateformes, et leurs intérêts économiques, ne sont pas étrangers à ces phénomènes, et d’autres types de militant·e·s développent des technologies d’échange alternatives, qui promeuvent des principes d’inclusivité, de respect et d’ouverture, au service d’autres formes de projet politique.