Premier Congrès de la Chaire Internationale Mukwege
Les 13, 14 et 15 novembre 2019 s’est tenu à l’Université de Liège (Belgique) le premier congrès de la Chaire Internationale Mukwege inaugurée en septembre 2018 et dont la création a été initiée par le Dr. Denis Mukwege (co-lauréat du prix Nobel de la Paix 2018) et la professeure émérite Véronique de Keyser. Cette Chaire s’est donnée pour objectif de créer des programmes de coopération pour le suivi des survivantes de violences sexuelles dans les conflits armés notamment par le biais du développement d’une recherche interdisciplinaire sur la question des violences sexuelles commises envers les femmes.
Ce congrès inaugural intitulé « Bâtir un futur pour les femmes et les enfants victimes de violence sexuelle dans les conflits : une responsabilité internationale » proposait ainsi d’interroger la question de l’instrumentalisation du viol et des violences sexuelles dans les conflits armés et plus spécifiquement les dynamiques de reconstruction des survivantes et la responsabilité des communautés nationales et internationales à cet égard. La réflexion s’est focalisée autour de quatre piliers – médical, psychologique, socio-économique et juridique – qui ont structuré l’organisation du congrès et qui ont permis l’intervention de chercheur.es, mais également d’ONG et d’associations.
La première journée du Congrès a été entièrement consacrée à la cérémonie d’ouverture lors de laquelle se sont succédé sur scène universitaires, politiques, membres de l’ONU et d’ONG. Chacun et chacune a rappelé les objectifs et l’importance de la Chaire dans la prise en charge des survivantes de violences sexuelles commises lors de conflits armés, d’un point de vue médical, juridique, psychologique et socio-économique. Le Dr. Mukwege, prix Nobel de la Paix 2018, est lui-même intervenu afin de rappeler notamment que cette prise en charge holistique devait reposer « sur des bases scientifiques et transcender nos émotions », faisant ainsi de la démarche et de la réflexion scientifique la pierre angulaire de l’action auprès des survivantes.
Les deux journées suivantes ont été consacrées aux interventions des chercheur.es et membres d’associations et d’ONG, l’organisation de chaque journée se faisant sous forme d’introduction, de conférence introductive, de conférences plénières puis de conférences parallèles. La journée du 14 novembre a été entièrement dédiée aux interventions liées à la prise en charge médicale et psychologique, et celle du 15 novembre aux questions relatives à la réinsertion socio-économique et à la prise en charge juridique des survivantes.
La thématique de la réinsertion socio-économique a été l’occasion pour les chercheur.es de mettre en lumière les enjeux d’accès aux soins et à la santé, de réintégration sociale des survivantes (et de surcroît scolaire pour les enfants), le rôle de la foi dans la réinsertion, l’évolution du profil des agresseurs et des victimes de violences, mais aussi d’expliquer les facteurs favorisant les violences. Le pilier juridique a quant à lui permis d’aborder la question de l’impunité juridique de ces violences, la difficulté d’établissement de la preuve devant la justice, le rôle des législations nationales dans la lutte contre les violences sexuelles, ou encore la lutte contre les mariages forcés.
Notre présentation portant sur la responsabilité sociale des journalistes face à l’instrumentalisation des violences sexuelles dans les conflits armés a été insérée dans le panel sur la réinsertion socio-économique et s’est déroulée en conférence plénière. Cette intervention était la seule à aborder la question des violences sexuelles du point de vue des médias et de la représentation de ces violences. L’objectif de ce travail était d’esquisser quelques questionnements sur le fondement même de notre sujet de thèse, à savoir l’importance mais aussi la difficulté résidant dans la médiatisation d’un tel enjeu.
Cette proposition a été l’occasion de rappeler le rôle qui incombe aux journalistes de mettre la question à l’agenda médiatique et de participer à sa constitution en problème public. Elle m’a offert en outre la possibilité de mettre en lumière le travail que certain.es fournissent dans la dénonciation de ces violences (Annick Cojean, Manon Loizeau, Cécile Allegra), mais aussi les initiatives collectives et transmédia comme le projet Zéro Impunity. Le but de cette présentation était également de montrer que si l’on attend beaucoup d’eux et elles, les journalistes ne peuvent pas tout et connaissent des limites importantes dans la mise en visibilité de ce sujet. Ces limites se révèlent à la fois inhérentes à leur travail sur des terrains de guerre, et propres à l’instrumentalisation des violences sexuelles dans les conflits, phénomène qui favorise une culture du secret et une peur, légitime, de la culpabilisation, rendant difficile le travail des journalistes.