Le terrain propre au Carism (media studies) est particulièrement interrogé par ces données en masse, à la fois dans la construction des objets d'études et dans les méthodes mobilisées. Le numérique a démultiplié les contenus médiatiques disponibles, ce qui a déplacé l'attention des chercheurs sur ces nouveaux formats, bien que les variables disponibles soient fortement dépendantes de ce que les plateformes veulent bien laisser à disposition, notamment par le biais de leur API. Se pose plus globalement la question de la construction des corpus médiatiques : comment faire pour produire des variables permettant de répondre à nos objets de recherche ? D'autant plus que d'autres acteurs sont chargés de constituer des bases de données sur les productions médiatiques, en particulier l'INA et la BNF de par leurs obligations vis-à-vis du dépôt légal du web, ce qui pose la question de l'institutionnalisation de la collecte des données sur les médias, et des façons de récupérer, d'archiver, de cataloguer et de rendre accessible ces données aux chercheurs.
De plus, le numérique a bousculé les frontières entre les audiences et les producteurs et a permis de rendre visible des espaces d'échanges autour des contenus médiatiques que ce soit par le biais des avis, des commentaires, des réactions et de l'ensemble des conversations qui alimentent le débat public. Comment articuler l'étude des contenus médiatiques avec les espaces conversationnels qu’ils suscitent ? L'étude des ces productions tend à se focaliser sur des usagers très actifs, mais laisse dans l'ombre une majorité qui lit, consulte, mais ne produit pas forcément de contenus. Comment saisir ces participants à bas bruit ?
En parallèle, nous assistons à une inflation de la production de contenus en ligne, avec des formats de plus en plus complexes à analyser, depuis les premières études portant sur les échanges textuels sur le minitel, jusqu'aux travaux les plus récents sur les vidéos TikTok ou YouTube. Le renouvellement des méthodes d'analyse passe notamment par la conception d'outils permettant d'appliquer au son ou à la vidéo les méthodes déjà en pleine extension pour le texte. Comment adapter et réinventer les outils pour saisir ces nouveaux formats ?
Si on assiste à un essor considérable de nouveaux outils, les méthodes les plus traditionnelles restent également pertinentes pour étudier les médias et leur réception. D'autant plus que les méthodes numériques permettent d'équiper les recherches à la fois qualitatives et quantitatives, et nécessitent de faire appel à des formes de « bricolages méthodologiques », c’est-à-dire des agencements ingénieux entre différentes méthodes. Comment articuler l’usage des méthodes numériques avec l’ensemble des outils disponibles pour étudier les médias ?