La dénomination de « journaliste professionnel » masque l’extrême hétérogénéité de la profession, où coexistent une grande diversité de métiers et d’activités, mais aussi de conditions d’emploi et de revenu. D’autre part, l’insertion professionnelle dans les mondes de l’information ressemble à bien des égards à un « parcours du combattant ». Un chiffre permet de mesurer à quel point les carrières en journalisme sont « exigeantes » et précaires : parmi les détenteurs de la carte de presse, la durée moyenne des carrières est estimée à quinze ans. Pour les aspirants, les vocations professionnelles se heurtent ainsi très tôt au principe de réalité, à savoir les conditions et les épreuves qui jalonnent et façonnent les parcours dans les métiers du journalisme.
La poursuite de l’enquête longitudinale (Boudon, Devillard, Le Saulnier, Leteinturier, 2017 ; Devillard, Le Saulnier, 2020) menée auprès de trois cohortes de nouveaux titulaires de la carte de presse (1998, 2008, 2013), c’est-à-dire des individus ayant obtenu pour la première fois la carte de presse, à partir d’une analyse statistique des dossiers de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) permettrait de montrer les continuités et les ruptures des statuts et pratiques des carrières journalistiques dans les années à venir.
Dès lors, quelles pourraient être les conditions d’entrée et de carrière dans la profession ? Le diplôme demeure-t-il un prérequis souhaitable, sinon nécessaire ? Dans quelle mesure le choix des formations persistent-ils à préfigurer les parcours professionnels ? Comment les carrières continuent-elles à se construire dans les mondes de l’information ? Quelles tendances sectorielles ou structurelles orienteront, sinon déterminent, les possibilités et les choix de carrière ? Et d’où proviennent et que deviennent les journalistes qui ont quitté la profession pour d’autres activités connexes ? Que signifie aujourd’hui « sortir » du journalisme ? D’où viennent et que deviennent les « sortants », contraints de quitter la profession à laquelle ils se destinaient ? Quelles sont les conditions objectives - l’état des marchés du travail, les logiques sectorielles et organisationnelles, les relations professionnelles, les conditions d’emploi et de travail, les positions et les dispositions sociales - qui engendrent ces défections ? Quelles sont les opérations subjectives - les aspirations, les frustrations, les définitions des situations et des identités au travail - qui les soutiennent ? Quelles sont les expériences et les épreuves qui modèlent la « divergence » des trajectoires professionnelles ?